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La prise en compte de la douleur chez les patients

La douleur n’a pas forcément une manifestation physique chez les patients. Il est donc important que le médecin fasse confiance à un malade qui lui dit qu’il souffre. Après celà, il est le seul à pouvoir décider quelle dose d’antidouleurs lui prescrire, la plupart n’étant pas disponible sans ordonnance. Dans cette situation, le patient qui souffre dépend totalement des décisions du médecin. Il est donc important qu’une relation de confiance se soit créée. 


En 2020, la douleur est encore souvent mal ou peu traitée. C’est le constat que dresse la Société Française d’Etude et de Traitement de la Douleur ( SFETD) en 2017 dans Le livre blanc de la douleur : “Au moins 12 millions de français souffrent de douleurs chroniques; pourtant, 70% d’entre eux ne reçoivent pas de traitement approprié”

" La douleur c’est le symptôme numéro 1. ça arrive tous les jours pour n’importe quoi donc ça devrait faire partie de la formation en médecine. Car toutes les douleurs ne sont pas identiques, toutes les causes de douleur ne se traitent pas de la même manière.

 

On n’a pas été formé au traitement de la douleur. J’ai été un des premiers dans les années 1980 - je travaillais dans une revue qui s'appelait la revue prescrire (une revue française sur le médicament qui est destinée aux médecins, qui est une revue critique sur les médicaments. Un genre de Que Choisir de la médecine ) On a publié une série d’article sur le traitement de la douleur chez les cancéreux par la morphine, et c’est la première fois qu’il y avait ça en France. On est allés en Angleterre chercher la documentation, et on a publié les premiers articles sur le sujet. A l’époque - ça devait être en 1986-87, donc j'avais trente ans - je n’avais jamais eu de formation sur l’utilisation de la morphine à la faculté de médecine, jamais. 

 

Il a fallu attendre 1996 pour que Douste Blazy dise : ah oui il faudrait traiter la douleur dans les hôpitaux français. Et il faudrait apprendre aux étudiants en médecine à traiter la douleur alors que les anglais ça faisait depuis 43-44 qu’ils le faisaient. Non, on avait pas de formation.

 

Je me suis formé tout seul. "

" Pendant mes 10 ou 12 années de médecine générale à la campagne j’ai été confronté à des patients en fin de vie. J’étais le médecin qui prescrivait le plus de morphine, c’est le médecin du canton qui me l’a dit parce qu’il a eu une visite de la sécu qui lui a dit “dis donc le docteur Zafran prescrit beaucoup de morphine par rapport à ses collègues, ça n’est pas pour lui qu’il la prescrit quand même…” et le pharmacien lui a répond -un pharmacien de campagne qui allait délivrer les médicaments aux personnes âgées, aux malades - “non j’en suis sûre, c’est moi qui délivre les médicaments”.  "

" La souffrance c’est un sujet tabou. Mon métier de médecin c’est quelque chose que je trouvais très lourd, c’est un métier très dur, et je l’ai terminé en me disant que c’était toujours très dur, on ne s’habitue pas à la souffrance, ou alors on devient technicien. 

 

On en parle jamais de la douleur entre médecin, la mort non plus. 

 

Kouchner en 2001 qui a imposé le traitement de la douleur, ça a été une révolution. J’étais dans un service à l’hôpital où le type au dessus de moi pour des raisons religieuses interdisait que l’on prescrive de la morphine. Donc ça existe, ça a existé. Les cancéreux, en fin de vie allaient devenir toxicomanes … Enfin bon …

 

On était 36ème dans le traitement de la douleur en 2001, et on est passé 4eme en 2005. Le traitement de la douleur ça a été une révolution. Mais cette révolution on peut dire que c’est dû au plan Kouchner, c’était fondamental, l’obligation pour les médecins de traiter la douleur. "

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Très vite après avoir été malade j’ai dû être opérée des poignets parce que mes poignets se sont très vite abimés. Et ça fait très mal,  je me souviens qu’ils étaient réticents à me donner de la morphine, très réticents, je me souviens une nuit m’être réveillée à l’hôpital en pleurant parce que je me serais bien jeté par la fenêtre tellement j’avais mal.

 

Et la maladie a continué à avancer et j’ai été cette fois-ci opérée du pied en 2011 donc avec presque 10 ans d’intervalle la prise en charge de la douleur a été complètement différente. Ils m’ont endormi le pied pendant 3 jours donc j’étais fraîche, je n’ai pas eu les douleurs post-op. Ils ont été top.

 

Et je pense que c’est lié aussi à la vision du chef de service. "

Martin Winckler a travaillé sur le traitement de la douleur depuis de nombreuses années, en 2019 il publie avec Alain Gahagnon Tu comprendras ta douleur aux éditions Fayart. Il raconte comment il s’est formé et quelle était la situation dans les années 1980 :

 

 

A cette époque la douleur n’était pas prise en compte, ou alors faiblement. Les patients étaient voués à souffrir, comme ils l’avaient toujours fait. Cette pratique relève d’une posture particulière du médecin vis à vis de ses patients. Car soigner la douleur ça n’est pas soigné la maladie, cela n’avance pas le médecin pour atteindre la guérison du patient. Prendre en compte la douleur d’un patient, c’est l’écouter, le croire et décider de le soulager. 


Dans les années 1980, un médecin qui prescrivait beaucoup d’antidouleurs était rare et donc suspect …

 

Martin Winckler nous parle de son expérience de médecin de campagne dans les années 1980 :

 

Denis Labayle, chef de service en gastro-entérologue à l’hôpital jusqu’en 2010 raconte les évolutions dans la prise en charge de la douleur à l'hôpital :

Nathalie Deparis, patiente experte atteinte de polyarthrite-rhumatoïde et membre d'associations de patients (notamment l’association Francophone pour Vaincre les Douleurs) parle de ce changement de prise en compte de la douleur au cours de son parcours médical : 

Depuis 15 ans, l’AFVD, l’Association Francophone pour Vaincre les Douleurs  accompagne les malades souffrant de maladies chroniques. Une permanence d’écoute est mise à disposition des malades, ainsi qu’un journal et un site internet. Récemment ils ont créé un programme d’éducation thérapeutique avec des programmes dédiés aux malades souffrants de douleurs chroniques. Ce programme, essentiellement basé sur la qualité de vie et le bien-être a été créé par les patients pour les patients, avec l’accompagnement et l’aval de l’équipe médicale.

 

Le saviez-vous ?

 

En France, le premier plan gouvernemental triennal de lutte contre la douleur ou Plan Kouchner 1998-2002 instaure des principes novateurs pour prendre en charge la douleur  :

 

  • prise en compte de la demande du patient
     
  • développement de la lutte contre la douleur dans les structures de santé et les réseaux de soins
     
  • information et formation des professionnels de santé, notamment pour mieux évaluer et traiter la  douleur
     
  • information du public.

 

Il permet à la Frane de rattraper son retard dans le traitement de la douleur. Il sera suivi par plusieurs autres plan douleur.. 

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Martin Winckler

Martin Winckler

Denis Labayle

Nathalie Deparis

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